La vie en unité opérationnelle
Alors que j’ arrive à quatre fois vingt ans , et n’ étant pas de nature à me faire passer pour un héros des aventures de Tartarin , il me semble utile , cependant , ne serait ce que pour mes camarades de cette époque , en écoutant les récits « héroïques » de certains « super opérationnels », durant cette période , cantonnés dans les casernes de Bône , Alger, Constantine , Oran , Guelma , ou autres villes ,qu’ils rejoignaient chaque soir , éventuellement après une promenade digestive de la journée ,suivie d’ une vraie douche à la bonne température , de raconter ce que , nous , unités du tableau d’ effectif INF 107, vivions au quotidien ,perchés sur notre piton déplumé ,en plein djebel.
Tout d’ abord , ce piton …que l’ on atteint que par une mauvaise piste , dés que l’ on a quitté la route goudronnée , franchissant des gués où les moyeux des G.MC peinent à s’ en sortir , puis franchissant les versants caillouteux du djebel, par un chemin à peine tracé , et nécessitant la mise en place , aux endroits critiques d’ un élément en protection ,nous n’ en atteignons le sommet qu’ avec soulagement ,tant le climat est à craindre d’ un mauvais coup de fusil ou d’ une embuscade , ce qui arrivera , cependant . Souvent, d’ ailleurs, par temps de grosse pluie, c’est un convoi muletier qui assurera ce ravitaillement, dont les braves bêtes auront bien du mérite à franchir le cloaque que constitue l’oued, et qui arrivent bien crottés! Ce qui me donnera, d’ ailleurs, l’occasion de découvrir le cacolet, qui sert à transporter un blessé, sur le mulet. Ce poste, sur la crête, nous n’en apercevons que les toits en tôle ondulée des éléments qui le composent, une murette de pierres sèches l’entourant entièrement et ne laissant le passage qu’à un véhicule, à l’entrée. Cette murette est elle-même précédée par un réseau fourni de barbelés, et le sol, alentour, est complètement nettoyé de toute végétation. Aux angles, des blockhaus protègent les sentinelles, et permettent des tirs d’armes automatiques. A l’intérieur du poste, les baraques de pierres sèches, entourent une place, pompeusement appelée « d’armes », sert aux rassemblements et comporte l’emplacement d’un mortier de 81, avec ses tirs repérés. Ces baraquements sont ceux des pelotons, des cadres, bureau comptable, qui, progressivement, remplacent les guitounes radio, infirmerie, réfectoire… Un autre emplacement est celui de la cuisine roulante , qui fonctionne à l’ essence, recouverte d’ une tôle ondulée sur laquelle ,jour de friture , se fixent les mouches ,qui retombent dans l’ huile … Il n’ y a que deux frigidaires ,( à pétrole ) un au foyer de la troupe , et un à la popote des cadres. Un bidon de 200 litres, surélevé, chauffé par le soleil, sert de douche, que l’utilisateur doit remplir après usage …l’approvisionnement en eau est assuré par la citerne à eau de 1000 litres où chacun va se servir,
Avec parcimonie, bien entendu
En période hivernale, il n’y a pas de chauffage central, ni de poêle, seule la chaleur humaine a cours dans les chambrées.
L’ensemble est particulièrement spartiate, mais dans une unité opérationnelle, cela suffit largement. Bien entendu nous sommes loin des délices de Capoue
Des unités casernées…
A l’extérieur, à environ 200 mètres, se trouve un point d’appui, rassemblant deux pelotons, séparé du poste principal par un terrain de foot et de volley, et comportant le mat aux couleurs.
Voilà notre cadre de vie, entièrement conçu pour une unité opérationnelle, qui ne le quitte que pour ses sorties sur le terrain, ou, une fois par semaine, une liaison avec le P.C régimentaire, et le ravitaillement hebdomadaire. Il n’est nullement question de cinéma, de restaurant ou de permission de la soirée. C’est une vie presque monacale ! Les seules distractions sont le poste transistor à piles, que chacun s’est procuré avec sa solde d’AFN, les parties de boules ou les matchs de foot ou de volley, ainsi que les parties de cartes ou de tarot.
La citerne à au de 1000 litres, est remplie chaque jour dans la source située à proximité, mais cette opération s’effectue avec l’armement individuel, et à plusieurs .C’est à cette citerne que chacun va se servir pour son usage personnel et sa toilette, faite dans le casque lourd, comme je l’avais vu faire dans la rivière, par les G.I, de l’armée de Patton, lors de leur passage à Nort sur Erdre, en 1945. Cela m’avait frappé à l’époque.
Les repas sont les mêmes pour tous, il n’y a pas de régime spécial pour les cadres .De même la tenue est identique pour tous, short et chemisette, l’été, tenue de combat le plus souvent.
Durant les deux ans que je passais sur ce piton, à part les liaisons sur le P.C, nous ne le quittâmes que deux fois, l’une pour un défilé du 11 novembre, à Bône, et l’autre pour une journée au centre des cigogneaux, à Bône, dépendant de la Fondation Maréchal De Lattre, où nous avions passé un dépaysement à la plage, fort apprécié.
On pourrait être tenté de croire qu’ainsi éloignés du P.C, nous ne soyons dans les délices de Capoue, mais il n’en est rien. En effet, la sécurité du poste est fonction des nombreuses patrouilles effectuées dans le secteur alentour et également en profondeur, dans les mechtas avoisinantes, ainsi que par des embuscades de nuit .De plus, nous participons aux opérations de plus grande envergure, décidées par le chef de corps ou, également, en réserve opérationnelle, à celles de grande envergure, allant même jusqu’ à la frontière tunisienne. Bien souvent, c’est en catastrophe que nous partons, un piper ayant repéré un élément dans le secteur, à prendre en chasse.
L entretien du matériel, ainsi que les travaux d’amélioration du, poste
Peu de temps après mon départ du Régiment, pour rejoindre un régiment de chars, dans la région d’Aumale, pendant deux ans, puis, de rejoindre les Unités Sahariennes, au Groupe Saharien de l’Erg Oriental, pour un autre séjour de deux ans, afin de
réaliser mes rêves de la lecture du livre « l’ Escadron Blanc », dans « L’ amadal ouan el essouf « , ( le Pays des Esprits ) ,celui-ci quitta ce piton SIDI DJEMIL pour rejoindre le village de MONDOVI, où il trouva des conditions de vie bien plus agréables , ne serait ce que par une vie citadine , certainement sans aucun regret .
Erik Schmitz. .
Published by francis.mauro - les écrits