25 février 1959 Sidi Djémil, Oued Farah, douar Talha, quartier de la Seybouse, zone Est constantinoise, 4e régiment de Hussards, 4e Escadron.
Un violent accrochage oppose un peloton de Hussards à un groupe de moudjahidines très important et aguerri ayant une connaissance parfaite du terrain.
Cette embuscade fut meurtrière, tant par sa surprise que par le terrain inextricable des lieux bien choisi par les moudjahidines.
Le capitaine et le sous lieutenant commandant le peloton sont tués dans les premiers contacts.
Les Hussards surpris se dispersent sous les coups de feu. Dans cette végétation où la visibilité n’excède pas cinq mètres. Il s’agit en réalité de labyrinthes formés par le passage des animaux sauvages, sangliers, chevaux et bovins, dans l’épaisse forêt de lentisques.
Il faut tirer à vue, sans quoi nous pouvons tirer sur nos compagnons, c’est ce qu’on nomme le corps à corps.
Le Brigadier chef M qui revient tout juste de rentrer de permission, se trouve isolé, ayant fait un bon d’une vingtaine de mètres pour être hors des tires qui viennent de tuer son capitaine et le sous lieutenant. Les rafales crépitent inlassablement accompagnées de cris en français et en arabe.
Le Brigadier chef M s’accroupis à genoux et constate qu’il est seul, il est inquiet il se demande que va-t-il faire. Où son ses hommes ; il appel ses hommes, mais des coups de feux lui répondent, il faut donc ne pas révéler sa présence.
Ne bougeant plus, il repense à sa dernière permission, à sa petite fille qu’il avait vue pour la première fois, et sa femme, comme il l’aime ! Il ne va pas se faire tuer ici dans cet Oued ?
Non, cela, il ne le veut pas, il va se défendre. Ses yeux se brouillent de larmes, il respire mal et murmure :
-Mon Dieu ! Mon Dieu, la quille bordel !
Soudain, il sent le contact brutal du canon d’un fusil dans son dos, il se retourne croyant à une venue amicale. Il dit :
-Arrêtez vos conneries !
C’est la stupeur, un moudjahid le menace de son fusil, avant qu’il eu le temps de presser la détente de son PM, il reçoit un violent coup de pied au visage. Il est à demi sonné, lâche son PM et porte ses mains sur visage, le sang coule, il regarde ses doigts ensanglantés. D’autres moudjahidines se pressent autour de lui. Il ne peut même plus crier, les forces lui manquent. Des mains habiles le dépouillent de ses armes et équipements, puis de ses vêtements ; en quelques secondes il est nu comme un ver.
Cette fois il réalise que sa vie est en danger, alors il se ressaisi et retrouve sa voix :
Ne me tuez pas, vous avez mon arme et mes habits, laissez moi partir, j’ai une femme et je suis papa, en plus je vais être bientôt libéré ! Une voix lui répond :
-Ta gueule, sale roumi ; il ne fallait pas prendre les armes contre nous, maintenant, il est trop tard !
A pieds nus, les hommes le forcent à marcher avec eux le poussant brutalement au milieu de leur groupe d’une vingtaine d’hommes.
Après avoir fait une centaine de mètres, le groupe s’arrêt et se met en position de défense.
Les heures passent, la nuit va arriver, c’est ce qu’attendent les moudjahidines de toutes évidences.
Le brigadier chef pense qu’il a peut-être une chance de s’en sortir, car ils ne l’ont pas encore tué. Il regarde la corde qui lui emprisonne les mains derrière le dos tenue fermement par un moudjahid. Alors il tente encore une fois de dialoguer avec ses geôliers.
- Vous n’avez aucun intérêt à me garder prisonnier, je ne suis d’aucunes utilités pour vous !
-Nous attendons ce que le chef va décider pour toi, la frontière tunisienne n’est pas loin et sûrement que nous allons t’emmener avec nous !
Merci ! dit le Brigadier chef qui en oubli son mal de pieds, même en sang il irait au bout du monde pour revoir sa femme et sa jolie petite fille, son bébé !
Alors il se laisse aller à une crise de larmes. Puis il se reprend, quel exemple va-t-il donner à ses geôliers. Il faut qu’il soit courageux et montrer que l’armée française n’est pas faite de pleurnichards et après tout il est brigadier chef.
A ce moment des obus sifflent. Une pluie d’obus tombe avec fracas, c’est la panique, des lucioles lâchées dans le ciel par les avions, éclairent comme en plein jour. Il faut fuir pensent les moudjahidines.
C’est alors qu’ils se rendent compte que leur prisonnier ne pourra pas suivre et les retarderait trop.
Le chef a pris sa décision :
D’une simple geste, passant sa main sur son cou, il fait signe à celui qui est à côte du Brigadier Chef, de l’égorger.
Le brigadier chef à tout vu, il sait qu’il va mourir. Alors il tente le tout pour le tout, malgré les pierres qui lui entaillent la plante des pieds, il essai de fuir, il fait quelques mètres. Mais le moudjahid tire la corde le ramenant à lui et le poignarde sauvagement, l’immobilisant contre sa poitrine en le tenant par le cou. Il lui plante sa lame à l’endroit du cœur. Ce fut un cri inhumain que sorti de la bouche du Brigadier chef. Touché en plein cœur il ne survivra pas longtemps, bredouillant quelques mots incompréhensibles, puis il tomba lourdement sur le sol. Son assassin lui ôta sa plaque qu’il avait encore autour du cou, et au lieu de la jeter, l’enfonça dans la plaie béante laissée par la lame.
Ce fut ainsi que le lendemain les Hussards découvrirent le corps du Brigadier chef M.
Les corps du Capitaine et du sous lieutenant furent découverts eux aussi nus et dépouillés de tout, même les lunettes de vue du capitaine furent subtilisées.
C’était comme ça la guerre d’Algérie sur la frontière tunisienne et en particulier à Sidi Djémil où l’on ne tuait pas que le sanglier !
Francis Mauro le 20 sept. 11
Published by francis.mauro